Le droit des sociétés au Maroc
Le droit des sociétés marocain se rapproche fortement du droit en vigueur en France.
Les évolutions en cours, tendant vers une plus grande transparence, une plus grande protection des actionnaires ou associés minoritaires et une pénalisation plus large du droit des affaires, accentuent d’autant cette proximité. Ce droit a pleinement profité de la dynamique de réformes structurelles engagées par le Maroc depuis le début des années 90. Trois textes, en particulier régissent la matière au Maroc : le code de commerce, la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes et la loi n° 5-96 relative aux autres formes sociales.
L’investisseur étranger peut acquérir une participation dans une société marocaine existante sous réserve de l’ouverture de l’activité à l’investissement étranger (voir fiche sur le régime des investissements étrangers). Cette participation peut prendre la forme d’une prise de participation au capital d’une société en cours de formation ou existante, soit par voie de souscription à une augmentation de capital, soit par l’acquisition de titres déjà émis.
La création d’entreprise au Maroc ne peut se passer de quelques mesures de précautions. Aussi, le recours à un conseil juridique reste-t-il nécessaire pour la constitution d’une société au Maroc.
Cette fiche se consacrera essentiellement à la présentation des principaux types de sociétés utilisés au Maroc et de quelques autres instruments juridiques.
I Les principales sociétés commerciales : la SA et la SARL
La société anonyme (loi n°17-95) (SA)
Le droit des sociétés
La loi n° 17-95 aligne le cadre juridique des entreprises sur les normes française et européenne ; elle implique notamment des obligations de transparence et de contrôle externe, assorties d’une responsabilité pénale des dirigeants. La sévérité particulière des dispositions pénales de cette loi a été à l’origine d’un « mouvement de fuite » vers la SARL. Une réflexion est en cours dont les axes sont la suppression du formalisme excessif, la dépénalisation des infractions formelles et un aménagement des pouvoirs au sein de la société.
Les pouvoirs des actionnaires et assemblées d’actionnaires
Le mode de fonctionnement des assemblées défini par la loi marocaine est assez semblable à ce que prévoit la législation française.
Il appartient à l'assemblée générale ordinaire de déterminer la conduite des affaires de la société (rémunérations des administrateurs (ou membres du conseil de surveillance), autorisations pour les conventions dans lesquelles un des administrateurs (ou membre du conseil de surveillance ou du directoire) possède un intérêt direct ou indirect etc.). Les actionnaires ont un droit d'information permanent, ce qui suppose un droit de communication de nombreux documents sociaux.
Les actionnaires minoritaires sont protégés. Le seuil de 10% de détention du capital ouvre notamment droit au dépôt d'une demande de convocation de l'assemblée générale auprès du président du tribunal de commerce (art. 3 de la loi n° 53-95 relative aux tribunaux de commerce). La demande d'inscription d'une question à l'ordre du jour des assemblées générales (art. 117) requiert quant à elle 5% du capital.
Lorsque le capital social de la société est supérieur à 5 millions de dirhams le montant de capital à représenter est réduit à 2% pour le surplus.
La loi marocaine reconnaît expressément les pactes d'actionnaires (art. 11).
Le nombre des actionnaires (personnes physiques ou morales) ne peut être inférieur à 5. Le capital minimum est de 3 millions de dirhams pour les SA faisant appel public à l'épargne et 300.000 dirhams dans le cas contraire. La valeur nominale des actions ne peut être inférieure à 100 dirhams. Classiquement, les associés ne supportent les dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports. La société anonyme ne peut être constituée qu'après souscription de l'intégralité du capital.
Les organes de gestion
La SA marocaine peut être gérée par un conseil d'administration ou par un directoire et un conseil de surveillance.
La SA avec conseil d'administration (art. 39 à 76)
Le conseil d'administration doit comporter entre 3 et 12 administrateurs personnes morales ou physiques (15 quand la société est cotée en bourse). Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, sous réserve de pouvoirs attribués par la loi aux assemblées d'actionnaires. La direction générale de la société et sa représentation à l'égard des tiers sont assumés par le président du conseil d'administration. Ses actes, en revanche, n'engagent pas la société en cas de dépassement de l'objet social, à l'égard des tiers de mauvaise foi.
Un salarié peut être administrateur. Cependant, le conseil d'administration ne peut être composé de plus d'un tiers d'administrateurs salariés. Le conseil
d'administration ne délibère valablement que si la moitié des administrateurs sont effectivement présents.
La SA avec directoire et conseil de surveillance (art. 77 à 105)
Les membres du directoire, exclusivement des personnes physiques (5 au maximum ou 7 si la société est cotée) peuvent être choisis en dehors des actionnaires et même parmi les salariés et sont nommés par le conseil de surveillance (composé de 3 à 12, voire jusqu'à 15 membres si la société est cotée). Dans les SA dont le capital est inférieur à 1,5 millions de dirhams, les fonctions attribuées au directoire peuvent être exercées par une seule personne ayant le titre de directeur général.
Les membres du conseil de surveillance, tous choisis parmi les associés personnes physiques ou morales, sont nommés en assemblée générale ordinaire. Leur mandat ne peut excéder 6 ans.
Le directoire exerce la gestion de la société sous le contrôle du conseil de surveillance. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, sous réserve des pouvoirs attribués par la loi aux assemblées et au conseil de surveillance. En outre, le conseil de surveillance détermine les grandes orientations de la politique suivie par la société.
Aspects financiers de la SA
Les SA peuvent désormais émettre des valeurs mobilières plus sophistiquées, telles que des obligations convertibles en actions, des certificats d’investissement ou encore des actions à droit de vote double (art. 257).
Une définition de la notion d’appel publique à l’épargne est introduite : est réputée faire publiquement appel à l’épargne toute société cotée en bourse ou utilisant des intermédiaires afin de placer ses titres, ou ayant plus de cent actionnaires (art. 9).
La loi 17-95 étend le rôle du commissaire aux comptes et renforce les interdictions à l’égard des dirigeants en introduisant par exemple les notions d’abus de biens sociaux et de crédit (art. 384-3), des pouvoirs ou des voix (art. 384-4) et en interdisant certaines conventions entre les dirigeants personnes physiques ou leur famille et la société, tels que les emprunts, cautions et avals (art. 62), sauf dans l’hypothèse où la société est un établissement bancaire ou financier.
La société à responsabilité limitée (la loi n° 5-96) (SARL)
Très proche, en ce qui concerne la constitution et le fonctionnement, de son homonyme française, la SARL est la forme sociale la plus répandue au Maroc. Le nombre des associés doit être compris entre un « associé unique » (type EURL française) et 50. Les associés n’ont pas la qualité de commerçant et ne sont engagés qu'à concurrence de leurs apports. Ils sont cependant solidairement responsables de la valeur attribuée aux apports en nature et ce, pendant 10 ans.
Le capital minimum est de 100.000 dirhams et doit être déposé obligatoirement sur un compte bancaire bloqué. Son retrait ne peut être effectué qu’après immatriculation au Registre de Commerce. La part sociale est d’au moins 100 Dh. Les parts sociales doivent être intégralement libérées. Elles sont transmissibles par voie de succession et cessibles entre conjoints et parents et ne peuvent être cédées à des tiers qu’après consentement de la majorité des associés. Les apports peuvent être en nature (évalués par un commissaire aux comptes).
Gestion de la SARL
La SARL est dirigée par un ou plusieurs gérants pouvant être choisis en dehors des associés, selon des conditions proches de la législation française. Un gérant est responsable, envers la société ou envers les tiers, des infractions aux lois applicables aux SARL, des violations des statuts ou des fautes commises dans sa gestion (art. 67).
Dans les rapports entre associés, les pouvoirs des gérants sont déterminés par les statuts. Dans les rapports avec les tiers en revanche, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Les décisions sont prises en assemblée générale sauf disposition contraire prévue dans les statuts. Les actes du gérant qui dépassent l’objet social n’engagent pas la société vis-à-vis des tiers qui en avaient connaissance (art. 63). Le gérant peut être révoqué par décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales.
Comme dans les SA, diverses infractions pénales sont prévues. Ces dernières sont toutefois moins nombreuses et moins lourdes. Cela explique en partie la
transformation croissante de SA en SARL depuis l’entrée en vigueur de la loi sur les SA, le 1er janvier 2001.
Aspects financiers de la SARL
La SARL ne peut émettre de titres négociables. Les parts sociales à droit de vote double n’existent pas. Interdiction est faite aux gérants ou associés de contracter des emprunts auprès de la société ou de faire cautionner leurs engagements personnels par la société.
La nomination d’au moins un commissaire aux comptes est obligatoire dans les Sociétés à Responsabilité Limitée qui dépassent, à la clôture d’un exercice, un chiffre d’affaires net de 50 millions de dirham II Autres formes sociales et structures juridiques.
Les autres formes sociales prévues par la loi 5-96
La loi 5-96 régit également d’autres formes sociales (société anonyme simplifiée, société en commandite simple et par actions, société en nom collectif). Elles sont peu usitées dans la pratique sauf pour des montages complexes ou pour l’ingénierie patrimoniale.
Les autres structures juridiques
Joint venture
En tant que concept juridique, la joint venture n’est pas spécifiquement abordée par la législation marocaine. Les modalités de l’opération sont fixées par contrat. La seule exigence consiste à respecter les statuts de chacune des sociétés participant à l’accord et les limitations éventuelles prévues par la loi (loi sur la concurrence et les prix, réglementation financière etc.).
Holdings et centres de coordination
Le Maroc, depuis la création de la place financière offshore de Tanger, le 26 février 1992, offre un environnement relativement favorable aux sociétés holdings. Ces dernières ne jouissent toutefois pas d’un régime juridique spécifique. Le régime des centres de coordination semble néanmoins pouvoir leur être appliqué. Leur revenu imposable est déterminé forfaitairement sur la base des frais de gestion et coordination engagés.
Le groupement d’intérêt économique (GIE)
Les Groupements d’Intérêt Economique ont été introduits en droit marocain par la loi n° 13-97, promulguée par un dahir en date du 5 février 1999. Ils ont été institués pour faciliter ou développer l’activité économique de leurs membres.
Les GIE ne peuvent être formés que par des personnes morales. Leur constitution et leur fonctionnement obéissent à des règles souples : ils peuvent être créés sans capital et sont administrés pour l’essentiel selon les stipulations contenues dans le contrat constitutif.